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 Les Poèmes du mois de Septembre 2022

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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeMar 20 Sep 2022, 06:45

Titre : L'autographe

Poète : Anatole France (1844-1924)

Recueil : Revue L'Artiste (1870).
À Étienne Charavay.

Cette feuille soupire une étrange élégie,
Car la reine d'Écosse aux lèvres de carmin
Qui récitait Ronsard et le Missel romain,
A mis là pour jamais un peu de sa magie.

La Reine blonde avec sa débile énergie
Signa Marie au bas de ce vieux parchemin,
Et le feuillet pensif a tiédi sous sa main
Que bleuissait un sang fier et prompt à l'orgie.

Là de merveilleux doigts de femme sont passés
Tout empreints du parfum des cheveux caressés
Dans le royal orgueil d'un sanglant adultère.

J'y retrouve l'odeur et les reflets rosés
De ces doigts aujourd'hui muets, décomposés,
Changés peut-être en fleurs dans un champ solitaire.
Anatole France.
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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeMer 21 Sep 2022, 06:24

Titre : La vision des ruines

Poète : Anatole France (1844-1924)

Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Le fleuve qui, libre et tranquille,
Traîne ses marnes et ses eaux
Au milieu des pâles roseaux.
Presse en ses bras une longue île,

Qui semble un navire échoué
Par quelque héroïque aventure,
Perdant sa forme et sa nature.
Dormeur à l'oubli dévoué.

Le cri rauque et le vol des grues
Percent les nuages blafards ;
Les cygnes et les verts canards
Voguent au fil des eaux accrues.

Dans l'île, un portail et deux tours,
Retraite aux hiboux familière.
Dressent sous la mousse et le lierre
Leurs profils noirs, douteux et lourds.

De maigres figures de pierre
Gisant dans les iris épais,
Les mains jointes, suivent en paix
Le rêve qui clôt leur paupière.

Tous ceux-là dont le vent du nord
Ronge avec lenteur les images,
Anges et rois, vierges et mages,
Ont grandement aimé la mort ;

Car la roideur de leur stature
Et l'aridité de leur chair
Font voir combien il leur fut cher
D'aspirer à la sépulture.

De longtemps ne sera troublé
Le silence de l'île sainte :
Dans le fleuve dont elle est ceinte
Le dos des ponts s'est écroulé.

N'est-ce pas là le berceau rude
De la grande et belle cité,
Qui plus tard avec volupté
S'assit dans cette solitude ?

Mais la terre avare a repris
Les pierres des quais et des rues,
Et les demeures disparues
Gisent sous les tertres fleuris.

Au sud de l'île, une colline
Couronne d'un amas confus
De murs, de chapiteaux, de fûts.
Ses flancs où le thuya s'incline.

Les marais coassent, le soir.
Vers l'ouest, loin dans la plaine verte,
Une porte se dresse ouverte
Sur le ciel pluvieux et noir.

Sculptés aux parois triomphales,
Des hommes, des bœufs, des chevaux,
Rappelant d'antiques travaux.
Se brisent au choc des rafales.

Et vers le nord, mais moins avant,
Candélabres, balustres, dalles.
Escaliers, murs en longs dédales.
Sonnent avec langueur au vent.

Ruines d'un temple où des lyres
Pendent à des chevilles d'or,
Où des pieds de nymphes encor
Dansent en de joyeux délires.

Muette, la maison des Rois
Est assise, comme une veuve,
Sur la rive droite du fleuve.
Dans les nymphéas blancs et froids ;

Elle mire dans les eaux blêmes
Ce qui lui reste de joyaux
Et répand ses colliers royaux
De chiffres noués et d'emblèmes ;

Sur un pavillon, les pâleurs
De la lune, au bord d'une nue,
Animent une forme nue
Qui sourit et verse des fleurs :

C'est un corps de femme accroupie,
Un corps lascif, jeune et lassé,
Qui fut sans doute caressé
Par le regard d'un siècle impie.
Anatole France.
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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeJeu 22 Sep 2022, 07:58

Titre : Le captif

Poète : Anatole France (1844-1924)

Recueil : Idylles et légendes (1873).
Il est, non loin des tièdes syrtes
Où bleuit la mer en repos,
Un bois d'orangers et de myrtes
Dont n'approchent point les troupeaux.

Là, sous l'ombre antique d'un arbre,
Un satyre, ouvrage divin,
Sourit dans sa gaine de marbre,
Comme réjoui par le vin.

Il a des oreilles aiguës
Que dresse un frémissement prompt ;
De jeunes cornes invaincues
Reluisent sur son mâle front ;

On voit que ses larges narines
Portent à ses heureux esprits
La fraîcheur des brises marines
Et les parfums des bois fleuris ;

Les coins soulevés de ses lèvres
Rappellent le falerne bu ;
Deux glandes, comme en ont les chèvres,
Pendent sous son menton barbu.

Captif du socle pentélique,
Languit un triste adolescent
Le dieu, de son regard oblique,
Lui verse un rayon caressant.

Mais lui, l'enfant aux ailes blanches,
Lève, des yeux brillants de pleurs,
A cause de ses molles hanches,
De ses bras liés par des fleurs.

Les larmes sur sa belle joue,
Mouillent sa chevelure d'or.
Parfois ses ailes qu'il secoue
Méditent l'impossible essor.

Et tant que le soleil éclaire
Le bois chaste et silencieux,
Les fiers desseins et la colère
Enflamment ses humides yeux.

Mais quand vient l'ombre transparente
Ramener les Nymphes en choeur,
Il rit, et sa chaîne odorante
Enivre doucement son coeur.
Anatole France.
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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeVen 23 Sep 2022, 06:20

Titre : Le chêne abandonné

Poète : Anatole France (1844-1924)

Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Dans la tiède forêt que baigne un jour vermeil,
Le grand chêne noueux, le père de la race,
Penche sur le coteau sa rugueuse cuirasse
Et, solitaire aïeul, se réchauffe au soleil.

Du fumier de ses fils étouffés sous son ombre,
Robuste, il a nourri ses siècles florissants,
Fait bouillonner la sève en ses membres puissants,
Et respiré le ciel avec sa tête sombre.

Mais ses plus fiers rameaux sont morts, squelettes noirs
Sinistrement dressés sur sa couronne verte ;
Et dans la profondeur de sa poitrine ouverte
Les larves ont creusé de vastes entonnoirs.

La sève du printemps vient irriter l'ulcère
Que suinte la torpeur de ses âcres tissus.
Tout un monde pullule en ses membres moussus,
Et le fauve lichen de sa rouille l'enserre.

Sans cesse un bois inerte et qui vécut en lui
Se brise sur son corps et tombe. Un vent d'orage
Peut finir de sa mort le séculaire ouvrage,
Et peut-être qu'il doit s'écrouler aujourd'hui.

Car déjà la chenille aux anneaux d'émeraude
Déserte lentement son feuillage peu sûr ;
D'insectes soulevant leurs élytres d'azur
Tout un peuple inquiet sur son écorce rôde ;

Dès hier, un essaim d'abeilles a quitté
Sa demeure d'argile aux branches suspendue ;
Ce matin, les frelons, colonie éperdue,
Sous d'autres pieds rameux transportaient leur cité ;

Un lézard, sur le tronc, au bord d'une fissure,
Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit ;
Et voici qu'inondant l'arbre glacé, la nuit
Vient hâter sur sa chair la pâle moisissure.
Anatole France.
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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeSam 24 Sep 2022, 07:18

Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 A4e1f8

L'automne

Aujourd'hui c'est l'automne

Et le tonnerre tonne.

C'est bien l'automne féerique

Et les feuilles mortes

Petit à petit tombent inertes

Dans ce pré vert poétique.

 

Et maintenant tu t'étonnes

Qu'il pleuve plus souvent,

Qu'il y ai des averses et du vent !

Que l'été soit atone.

Mais hélas oui je te le dis

C'est vraiment l'automne depuis lundi.

 

L'automne

C'est la saison mélancolique

Où tout deviens bucolique

Où tout sent le pathétique

Où le parfum des jours est poétique

C'est l'automne, saison de transition.

Jean Rieu

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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeDim 25 Sep 2022, 06:36

Titre : Le refus

Poète : Anatole France (1844-1924)

Recueil : Idylles et légendes (1873).
Au fond de la chambre élégante
Que parfuma son frôlement,
Seule, immobile, elle dégante
Ses longues mains, indolemment.

Les globes chauds et mâts des lampes
Qui luisent dans l'obscurité,
Sur son front lisse et sur ses tempes
Versent une douce clarté.

Le torrent de sa chevelure,
Où l'eau des diamants reluit,
Roule sur sa pâle encolure
Et va se perdre dans la nuit.

Et ses épaules sortent nues
Du noir corsage de velours,
Comme la lune sort des nues
Par les soirs orageux et lourds.

Elle croise devant la glace,
Avec un tranquille plaisir,
Ses bras blancs que l'or fin enlace
Et qui ne voudraient plus s'ouvrir,

Car il lui suffit d'être belle :
Ses yeux, comme ceux d'un portrait,
Ont une fixité cruelle,
Pleine de calme et de secret ;

Son miroir semble une peinture
Que quelque vieux maître amoureux
Offrit à la race future,
Claire sur un fond ténébreux,

Tant la beauté qui s'y reflète
A d'orgueil et d'apaisement,
Tant la somptueuse toilette
Endort ses plis docilement,

Et tant cette forme savante
Paraît d'elle-même aspirer
A l'immobilité vivante
Des choses qui doivent durer.

Pendant que cette créature,
Rebelle aux destins familiers,
Divinise ainsi la Nature
De sa chair et de ses colliers,

Le miroir lui montre, dans l'ombre,
Son amant doucement venu,
Au bord de la portière sombre,
Offrir son visage connu.

Elle se retourne sereine,
Dans l'amas oblique des plis,
Qu'en soulevant la lourde traîne
Son talon disperse, assouplis,

Darde, sans pitié, sans colère,
La clarté de ses grands yeux las,
Et, d'une voix égale et claire,
Dit : " Non ! je ne vous aime pas. "
Anatole France.
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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeLun 26 Sep 2022, 07:21

Titre : Les arbres

Poète : Anatole France (1844-1924)

Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Ô vous qui, dans la paix et la grâce fleuris,
Animez et les champs et vos forêts natales,
Enfants silencieux des races végétales,
Beaux arbres, de rosée et de soleil nourris,

La Volupté par qui toute race animée
Est conçue et se dresse à la clarté du jour,
La mère aux flancs divins de qui sortit l'Amour,
Exhale aussi sur vous son haleine embaumée.

Fils des fleurs, vous naissez comme nous du Désir,
Et le Désir, aux jours sacrés des fleurs écloses,
Sait rassembler votre âme éparse dans les choses,
Votre âme qui se cherche et ne se peut saisir.

Et, tout enveloppés dans la sourde matière
Au limon paternel retenus par les pieds,
Vers la vie aspirant, vous la multipliez,
Sans achever de naître en votre vie entière.
Anatole France.
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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeMar 27 Sep 2022, 07:19

Titre : Les cerfs

Poète : Anatole France (1844-1924)

Recueil : Les poèmes dorés (1873).
Aux vapeurs du matin, sous les fauves ramures
Que le vent automnal emplit de longs murmures,
Les rivaux, les deux cerfs luttent dans les halliers :
Depuis l'heure du soir où leur fureur errante
Les entraîna tous deux vers la biche odorante,
Ils se frappent l'un l'autre à grands coups d'andouillers.

Suants, fumants, en feu, quand vint l'aube incertaine,
Tous deux sont allés boire ensemble à la fontaine,
Puis d'un choc plus terrible ils ont mêlé leurs bois.
Leurs bonds dans les taillis font le bruit de la grêle ;
Ils halètent, ils sont fourbus, leur jarret grêle
Flageole du frisson de leurs prochains abois.

Et cependant, tranquille et sa robe lustrée,
La biche au ventre clair, la bête désirée
Attend ; ses jeunes dents mordent les arbrisseaux ;
Elle écoute passer les souffles et les râles ;
Et, tiède dans le vent, la fauve odeur des mâles
D'un prompt frémissement effleure ses naseaux.

Enfin l'un des deux cerfs, celui que la Nature
Arma trop faiblement pour la lutte future,
S'abat, le ventre ouvert, écumant et sanglant.
L'oeil terne, il a léché sa mâchoire brisée ;
Et la mort vient déjà, dans l'aube et la rosée,
Apaiser par degrés son poitrail pantelant.

Douce aux destins nouveaux, son âme végétale
Se disperse aisément dans la forêt natale ;
L'universelle vie accueille ses esprits :
Il redonne à la terre, aux vents aromatiques,
Aux chênes, aux sapins, ses nourriciers antiques,
Aux fontaines, aux fleurs, tout ce qu'il leur a pris.

Telle est la guerre au sein des forêts maternelles.
Qu'elle ne trouble point nos sereines prunelles :
Ce cerf vécut et meurt selon de bonnes lois,
Car son âme confuse et vaguement ravie
A dans les jours de paix goûté la douce vie :
Son âme s'est complu, muette, au sein des bois.

Au sein des bois sacrés, le temps coule limpide,
La peur est ignorée et la mort est rapide ;
Aucun être n'existe ou ne périt en vain.
Et le vainqueur sanglant qui brame à la lumière,
Et que suit désormais la biche douce et fière,
A les reins et le coeur bons pour l'oeuvre divin.

L'Amour, l'Amour puissant, la Volupté féconde,
Voilà le dieu qui crée incessamment le monde,
Le père de la vie et des destins futurs !
C'est par l'Amour fatal, par ses luttes cruelles,
Que l'univers s'anime en des formes plus belles,
S'achève et se connaît en des esprits plus purs.
Anatole France.
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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeMer 28 Sep 2022, 07:22

Titre : Les sapins

Poète : Anatole France (1844-1924)

Recueil : Les poèmes dorés (1873).
On entend l'Océan heurter les promontoires ;
De lunaires clartés blêmissent le ravin
Où l'homme perdu, seul, épars, se cherche en vain ;
Le vent du nord, sonnant dans les frondaisons noires,
Sur les choses sans forme épand l'effroi divin.

Paisibles habitants aux lentes destinées,
Les grands sapins, pleins d'ombre et d'agrestes senteurs,
De leurs sommets aigus couronnent les hauteurs ;
Leurs branches, sans fléchir, vers le gouffre inclinées,
Tristes, semblent porter d'iniques pesanteurs.

Ils n'ont point de ramure aux nids hospitalière,
Ils ne sont pas fleuris d'oiseaux et de soleil,
Ils ne sentent jamais rire le jour vermeil ;
Et, peuple enveloppé dans la nuit familière,
Sur la terre autour d'eux pèse un muet sommeil.

La vie, unique bien et part de toute chose,
Divine volupté des êtres, don des fleurs,
Seule source de joie et trésor de douleurs,
Sous leur rigide écorce est cependant enclose
Et répand dans leur corps ses secrètes chaleurs.

Ils vivent. Dans la brume et la neige et le givre,
Sous l'assaut coutumier des orageux hivers,
Leurs veines sourdement animent leurs bras verts,
Et suscitent en eux cette gloire de vivre
Dont le charme puissant exalte l'univers.

Pour la fraîcheur du sol d'où leur pied blanc s'élève,
Pour les vents glacials, dont les tourbillons sourds
Font à peine bouger leurs bras épais et lourds,
Et pour l'air, leur pâture, avec la vive sève,
Coulent dans tout leur sein d'insensibles amours.

En souvenir de l'âge où leurs aïeux antiques,
D'un givre séculaire étreints rigidement,
Respiraient les frimas, seuls, sur l'escarpement
Des glaciers où roulaient des îlots granitiques,
L'hiver les réjouit dans l'engourdissement.

Mais quand l'air tiédira leurs ténèbres profondes,
Ils ne sentiront pas leur être ranimé
Multiplier sa vie au doux soleil de mai,
En de divines fleurs d'elles-mêmes fécondes,
Portant chacune un fruit dans son sein parfumé.

Leurs flancs s'épuiseront à former pour les brises
Ces nuages perdus et de nouveaux encor,
En qui s'envoleront leurs esprits, blond trésor,
Afin qu'en la forêt quelques grappes éprises
Tressaillent sous un grain de la poussière d'or.

Ce fut jadis ainsi que la fleur maternelle
Les conçut au frisson d'un vent mystérieux ;
C'est ainsi qu'à leur tour, pères laborieux,
Ils livrent largement à la brise infidèle
La vie, immortel don des antiques aïeux.

Car l'ancêtre premier dont ils ont reçu l'être
Prit sur la terre avare, en des âges lointains,
Une rude nature et de mornes destins ;
Et les sapins, encor semblables à l'ancêtre,
Éternisent en eux les vieux mondes éteints.
Anatole France.
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MessageSujet: Re: Les Poèmes du mois de Septembre 2022   Les Poèmes du mois de Septembre 2022 - Page 3 I_icon_minitimeJeu 29 Sep 2022, 06:35

Titre : Vénus, étoile du soir
Poète : Anatole France (1844-1924)
Recueil : Les poèmes dorés (1873).

La nuit vient nous ravir en ses puissants arcanes ;
L'ombre avec des frissons envahit les platanes ;
De légères vapeurs montent des chemins creux.
Les vieillards sont assis, et les voix alternées
Sous le feuillage obscur se perdent égrenées.
C'est l'heure où l'esprit rêve, heureux ou malheureux.

Le crépuscule expire et les étoiles blanches
Commencent en tremblant à poindre dans les branches.
Au regard exalté qui songe et les poursuit,
Voici que la plus belle allume la première
A l'occident pâli sa vibrante lumière,
Vénus splendide et chaste, honneur de notre nuit.

Depuis qu'ils ont chéri l'amour et sa souffrance.
Les hommes ont fait part de leur brève espérance
A cet astre indulgent qui ramène le soir.
— Si tu retiens mes yeux, Vénus; si ma pensée
Au sein du mol éther vers toi s'est élancée.
C'est toi seule et c'est toi toute que je veux voir.

J'ai surpris tes secrets : O céleste jumelle
De la Terre, astre cher qui mourras avec elle.
Tes destins sont pareils aux destins de ta sœur.
Le même soleil t'aime; et ce père des flammes
Jette en ton sein fleuri la vie, orgueil des âmes.
La nuit ainsi qu'à nous te verse sa douceur.

Monde, tu fais rouler dans la pâle étendue
La forme avec l'amour à tes flancs suspendue ;
Tu livres aux troupeaux tes champs hospitaliers ;
Tes mers ont leurs nageurs, et des siècles de fauves
Ont rugi le désir aux creux de tes rocs chauves ;
Tes deux pôles de glace ont de blancs familiers.

Des reptiles, traînant leurs épais cartilages,
De leurs sillons visqueux souillaient tes chaudes plages,
Au temps où tu naissais dans les limons marins.
Et maintenant, mangeurs de chair ou d'herbe grasse.
Des êtres réjouis dans la force et la grâce.
Nés de ton corps adulte, ornent tes jours sereins.

Un air rouge et vibrant, semé de feux intimes.
Sur tes roides hauteurs dont nul n'a vu les cimes.
Nourrit avec excès de larges floraisons.
De grands lis pleins d'odeurs et de phosphorescences,
Les longs fûts des palmiers aux salubres essences,
Et des gerbes de dards exhalant leurs poisons.

Des îles en leurs lits récents de madrépores,
Vierges, sous le vent frais plein de baisers sonores.
Conçoivent les doux fruits des continents lointains
De grands oiseaux guerriers s'assemblent, race antique,
Dans les sombres vapeurs de ton ciel magnétique.
Sous les cratères noirs de tes volcans éteints.

Et des guetteurs, du haut des roches caverneuses.
Lourds, velus, déployant leurs ailes membraneuses.
De nocturnes regards éclairent les granits :
Ils veillent, attendant que l'aire obscure dorme ;
Ils vont se laisser choir, et sous leur masse énorme
Lentement étouffer les couples dans les nids.

Vénus, ô grande mère aux entrailles brûlantes.
Mère des animaux avides et des plantes.
Tout ce que tu contiens de divine chaleur
Dans un fécond travail a gonflé tes mamelles.
En allaitant, Vénus, tes nourrissons, tu mêles
Largement en leur sang la joie et la douleur.

Mais lorsque après tes nuits, tes sombres nuits sans lune,
Derrière l'Océan qui gémit sur la dune,
Immense et près de toi se lève le soleil,
Est-il, pour réfléchir ton ciel qui s'illumine,
Un regard où reluit la tristesse divine.
Un regard anxieux et fier, au mien pareil ?

Nourris-tu des vivants de qui l'âme profonde
Te contient tout entier dans elle-même, ô monde !
Et qui sont ta vertu, ta splendeur et tes dieux ?
N'as-tu pas enfanté des rois, frères des hommes,
Qui, superbes, hardis, pensifs, tels que nous sommes,
Seuls portent haut leur front et regardent les cieux ?

Ces princes, nos égaux, recherchent-ils les causes,
La raison et la fin, la nature des choses ?
Quels désirs, quels espoirs gonflent leurs cœurs puissants !
Ont-ils, promptes sans cesse à verser les dictâmes.
Des mères et des sœurs belles comme nos femmes.
Triomphe de la vie et délices des sens ?

Oh ! les meilleurs d'entre eux, dans la nuit solitaire,
Levant leur front blanchi d'un reflet de la terre,
Ont souvent médité les travaux de nos jours.
Connaître pour aimer, tel est la loi de l'être ;
Et, dans leur mâle ardeur d'étreindre et de connaître.
Ils ont jusqu'à la terre étendu leurs amours.

L'esprit cherche l'esprit dans l'étoile prochaine ;
Et, jetant dans l'espace une mystique chaîne,
Eux en nous, nous en eux, nous nous glorifions.
Tant il est naturel de sortir de soi-même,
Tant nous portons au cœur le besoin qu'on nous aime.
Tant notre âme de feu jette loin ses rayons.

Anatole France.
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